Blog

Extrait de Précisions sur les vagues de Marie Darrieussecq

Extrait (P.O.L éditeur – 2008)

Est-ce la mer qui arrive sur la côte ? Ou la côte qui arrive sur la mer ? Est-ce la terre qui interrompt la masse de l’eau, ou l’eau qui limite la terre ? Je me tiens devant la mer, la mer de chez moi, celle qui touche la côte basque et me sert de repère pour regarder les autres mers.

En face il y a l’Amérique, mais d’abord, à quelques milles à peine, de très profondes fosses, une fracture, un mur jusqu’au fond de l’eau. Au Nord, il y a la forêt. Au Sud, la frontière de l’Espagne. A l’Est, la masse du continent. A l’Ouest tout est bleu. Le regard est happé par ce bleu qui ouvre la géographie d’angle. C’est à cause de ce coin peut-être, un angle droit, qu’il y a autant de vagues ; à cause du mur des fosses aussi, qui brise l’eau dans la profondeur. C’est une mer en forme de dièdre.

Les vagues ici sont des rouleaux. La plage descend doucement. L’eau se tient nettement au-dessus et s’effondre pour pouvoir toucher terre, pour faire la jointure : sinon l’espace béerait. Le vide au coeur du rouleau, celui que les surfeurs nomment : le tube, est cet endroit béant qui resterait ouvert si la mer ne touchait pas terre. Le tube marque la place épéhère du vide, avant la fermeture, avec le fracas de la matière. C’est une mise en ordre en spirale, comme à l’intérieur de certains moteurs tubulaires est gravé un hélicoïde empêchant la mèche de dévier, la vis de glisser hors de l’écrou, le piston de riper ; la vagur de cette côte contient géométriquement le vide, elle l’organise, elle l’admet dans le sens imposé d’une rotation. Marie Darrieussecq

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *