Blog Fragments d'un voyage au Québec

15/26 – Revenir en hiver

Écrire ce voyage pour moi, pour ma compagne de voyage. Pour repenser aux deux promesses que l’on s’est faite dans l’avion au retour. Un jour traverser en train le Canada de Québec à Vancouver. Trois jours et quatre heures pour 3 792 kilomètres. Un jour revenir pendant l’hiver.

D’ailleurs mon carnet de voyage se termine par ces vers de Gilles Vigneault, le chanteur de l’hiver, celui qui disait l’hiver est longue, l’été dure deux jours. Même en été très vite, les Québécois nous parlent de l’hiver. Parce que nous les interrogeons se souvient ma compagne de voyage.

– Le Québec l’été c’est pas vraiment le Québec. Vous faudra revenir en hiver nous dit Carole. Par – 40°. Faut vivre ça au moins une fois dans sa vie.

Personne ne nous raconte la légende qui dit que, les mois d’hivers à Montréal dans le centre, certains vivent presque exclusivement dans la ville souterraine. Navigant de leur appartement à leur bureau en passant par le centre commercial via le métro. Tout communique.

Je me souviens de Marielle, notre hôtesse du gîte de l’Anse-Saint-Jean. De son air triste et fatigué. Nous approchions de la fin de la saison touristique et elle était épuisée. Mais il n’y avait pas que ça. L’arrivée prochaine de l’hiver me déprime, nous confie-t-elle. Ici les hivers sont durs. La neige commence à tomber parfois dès début d’octobre. Ces premières neiges ne tiennent pas. Ce sont celles de décembre qui durent parfois jusqu’en mai. C’est très dur de vivre dans ces contrées. Le froid est rude et persistant. La conduite difficile. Il faut parfois plus d’une heure pour parcourir de courtes distances.

Pour Félix, arrivé en mai à l’auberge de jeunesse de l’île d’Orléans, la perspective de l’arrivée de l’hiver n’est que joie. Il est français et a trouvé un job pour se procurer un permis de séjour temporaire. Son travail en attendant l’hiver : s’occuper des chiens de traîneaux. Les nourrir et les entraîner pour qu’ils soient d’attaque dès les premières neiges et ne perdent pas trop leur masse musculaire. Le plus dur au début a été de se souvenir du nom des quatorze chiens, nous dit-il. Puis d’apprendre à mettre le harnais sans les stresser. Lorsqu’on le rencontre en fin d’été il promène les chiens pour leur dégourdir les pattes, les rafraîchir à la rivière et leur apprendre à côtoyer les autres chiens sans stress. Il nous explique avec enthousiasme et impatience : à l’automne commencera l’entraînement à l’attelage pour que chaque chien trouve la place qui lui convient le mieux. Ils seront attelés en meute à un quad. J’ai tellement hâte de voir la neige tomber pour enfin sortir les traîneaux !

L’écriture me ramène aux deux jours passés à sillonner l’île d’Orléans chantée par Félix Leclerc :

Pour supporter le difficile

Et l’inutile

Y a l’ tour de l’île

Quarante-deux milles

De choses tranquilles

Pour oublier grande blessure

Dessous l’armure

Été, hiver,

Y a l’ tour de l’île

L’Île d’Orléans

Une île du Saint-Laurent à quelques kilomètres à l’Est de Québec. Les Peuples Premiers l’appelaient l’île Minigo, ensorcelé en algonquin. Jacques Cartier la rebaptise en l’honneur d’Henri II, duc d’Orléans.

L’île d’Orléans, terre nourricière de la ville de Québec. Pommes de terre, oignons, légumes, raisins, petits fruits se retrouvent sur les marchés de Québec harmonieusement disposés sur les étals.

Sur l’île, dès le mois de septembre à proximité des fermes des brouettées de courges sont vendues dix dollars. Petites taches de couleurs au bord de la route. En toile de fonds les prairies adossées à des masses boisées. C’est la fin de l’été les Québécois préparent l’hiver et font des provisions de courges qui se conserveront selon les variétés jusqu’à douze mois. Cuisinent des soupes et autres tartes avec ce légume riche en anti-oxydants. Mettent en pots des confitures de courges. Dans les champs soigneusement rangés sur des bâches avec un sens artistique certain : des tas de potirons Bleu de Hongrie à la peau gris verte. Des potimarrons rouge-orangé. Des courges pâtisson blanches. Des courges spaghettis jaunes ou butternut beiges. D’autres vert foncé presque noires. De gros potirons orange vif et de petites courges oblongues à la peau blanc-crème rayé de vert.

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