Quand Jacques Cartier débarque dans le golfe du Saint-Laurent en 1534, il rencontre une population sédentaire d’Amérindiens, les Iroquois du Saint-Laurent. Ils vivent sur une île implantée au pied d’un Mont boisé, dans des villages palissadés aux maisons construites d’un assemblage de bois et d’écorce.
Dans le livre On nous appelait les sauvages, Dominique Rankin écrit le ressenti des Amérindiens à l’arrivée des premiers Blancs.
En voyageant sur leurs immenses bateaux pendant des mois, les hommes au visage pâle étaient arrivés chez nous en piètre état. Voyager ainsi sans eau ni nourriture fraîche, sans pouvoir se laver, au seul contact d’autres hommes et pour si longtemps, était pour nous inconcevable. Pas étonnant que des bestioles et des maladies de toutes sortes – rats, poux, maladies vénériennes, scorbut…- aient débarqué chez nous !
Quelle aurait été la réaction des amérindiens, s’ils avaient imaginé à l’avance les conséquences de l’arrivée de Cartier ? Au fur et à mesure des petits signes ont dû les alerter. Les autochtones du village de Hochelaga guident Jacques Cartier vers la montagne qui surplombe leur campement. Couverte d’une forêt luxuriante et de terres propices à la culture de l’alimentation de base des amérindiens : le maïs, le haricot rouge et la courge. Un territoire de chasse et de cueillette pour les populations préhistoriques vivant il y a plus de 5000 ans. Un site funéraire sacré, l’endroit où ils récoltaient la pierre aux bords tranchants utilisée pour la fabrication d’outils et d’armes de chasse. Jacques Cartier est impressionné par l’endroit. Et alors il ne trouve rien de mieux que de baptiser cette montagne Mont Royal. Une manière d’honorer son roi, un affront pour les Amérindiens. Mais il ne s’arrête pas là. Comme il a atteint l’embouchure du Saint-Laurent le jour de la fête de Laurent de Rome, il baptise le fleuve sainct Laurens. Contraste avec les noms d’origine plus poétiques. Kaniatarowanenneh en Mohawk pour dire le Gros courant d’eau, Magtogoek en algonquin, le chemin qui marche.
Mais tout n’est pas si simple. Comment ne pas se tromper en racontant cette histoire, être imprécise, manichéenne. Les bons Natifs et les mauvais Blancs. Certains Blancs ont aimé la vie des Amérindiens et se sont bien adaptés. Ainsi est née une société métisse riche de ce multiculturalisme.
Dominique Rankin explique : Au début, nous avons accueilli et soigné ces hommes étranges, nous avons chassé et pêché pour eux. Nous les avons vêtus et leur avons donné du bois pour se réchauffer. Nous leur avons montré nos remèdes et avons partagé la pipe sacrée en leur compagnie. Certains ont aimé notre vie et compris notre vision, mais d’autres entêtés et assoiffés de puissance ont persisté dans leur opinion.
Qu’auraient-ils fait les Amérindiens s’ils avaient compris que Jeanne Mance et Paul de Chomedey de Maisonneuve, débarqués en 1642, un siècle après Cartier, avaient le projet de fonder une colonie pour les convertir et les sédentariser ? Rien sans doute, c’est tellement inimaginable.
Dans un podcast de France Culture écouté pendant le voyage, l’écrivaine Monique Proulx explique que l’histoire des origines de Montréal est passionnante :
– La ville a été cofondée par des fous mystiques français, Jeanne Mance et Paul de Chomedey de Maisonneuve, comme il en existe de nombreux en France au XVIIe. Ils arrivent au Québec avec une somme d’argent conséquente et trente-huit compatriotes, neuf femmes et vingt-neuf hommes. Des laïcs qui vivaient dans une espèce de pureté, qui peut sembler aujourd’hui ahurissante, déplacée, avilissante, dégradante et fondamentalement catholique. Pourtant ces hommes et ces femmes étaient pleins de bonnes intentions. Ils voulaient apporter à ceux qu’ils considéraient comme des sauvages le salut divin et une meilleure qualité de vie. Ils avaient entendu dire que ces gens crevaient de froid et de faim, ils voulaient les sauver. La folle entreprise disaient les habitants de Québec, qui pensaient : quelle idée de s’installer en ce milieu hostile au climat rude, avec de surcroît le risque de se faire tuer lors des conflits meurtriers entre Iroquois et Algonquins ! Une guerre dont l’enjeu est la conquête d’un plus vaste territoire pour chasser le castor dont la fourrure est très convoitée dans le commerce des Amérindiens avec les Européens. Un désir fou de dépassement de soi pour ces pionniers pense Monique Proulx. Une difficile cohabitation entre les Premières Nations d’Amérique et les Blancs qui perdure encore aujourd’hui.
A leur arrivée les colons vivent de manière assez proche de celle des amérindiens. Ils installent leur campement dans les bois et s’aident des conseils des Natifs pour survivre. Une année après son arrivée, Jeanne Mance installe un petit hôpital qui attire très vite les Autochtones. Et hop, ils sont à la fois soignés et convertis au christianisme. Oubliée la médecine traditionnelle à base de plantes cueillie dans les bois, des glandes de castors séchées pour désinfecter une plaie ou engourdir une blessure. Un savoir traditionnel peu à peu oublié.