Notre perception de Montréal est bien différente de celle des premiers navigateurs. Pour rejoindre l’île de Montréal nous empruntons un enchevêtrement de routes et d’autoroutes, de ponts métalliques enjambant le fleuve Saint-Laurent et la rivière des Prairies.
Quel contraste avec Québec ! Montréal l’Américaine, la multiculturelle aussi éveillée que la ville haute de Québec l’Européenne est figée et endormie. Québec dominée par le château Frontenac, Montréal par le Mont Royal.
De partout dans la ville on le voit ce Mont-Royal, dressé dans la partie sud-est de l’île de Montréal. Environ 750 hectares. 4 kilomètres d’Est en Ouest et 2,5 du Nord au Sud. Une masse boisée, surmontée d’une énorme croix illuminée la nuit, il culmine à 230 mètres. Un repère si on se perd dans la ville. Et c’est facile de se perdre dans cette ville au tracé géométrique aux longs boulevards et rues rectilignes. Pas de courbes seulement des angles droits ! Pas de petites rues qui serpentent à travers les quartiers et façonnent leur identité. Ici on a l’impression que tout est identique. La numérotation des rues n’aide pas vraiment… Casse-tête des premiers jours pour se repérer, la numérotation s’effectuant de part et d’autre des rues, et allant croissants ou décroissants selon leur orientation, Est-Ouest ou Nord-Sud.
Les mouvements hygiénistes ont joué un rôle important dans la préservation du Mont. Au XIXe la révolution industrielle bat son plein, les hygiénistes préconisent un retour à la nature. Le Mont Royal est considéré comme un lieu à l’air vif ; un endroit idéal pour mieux respirer, se reposer et guérir des maladies dues à la pollution de l’industrie et à l’insalubrité. Tous ne sont pas d’accord, certains voudraient le lotir ou le cultiver. Mais les choses s’accélèrent en 1859, lorsque par un hiver très froid, un propriétaire procède à l’abattage de tous les arbres de son vaste terrain pour les vendre comme bois de chauffage. Les habitants de la ville s’insurgent : perdre ce joyau même pour du bois de chauffage est criminel ! La décision est prise par les édiles, la Montagne deviendra un parc protégé.
Aujourd’hui avec quelques 60 000 arbres, le Mont est le véritable poumon vert de la ville. Dès le premier jour de notre séjour montréalais, on gravit aisément ce faible dénivelé en empruntant un chemin pavé qui serpente dans les bois. Celui déjà emprunté par les amérindiens. On se perd aussi volontairement sur les petits chemins de traverse. Le Mont Royal a gardé dans certains secteurs son côté sauvage. On aurait pu voir des renards roux, des ratons laveurs, des souris sauteuses des bois, des lapins à queue blanche, des marmottes, ou en hiver pratiquer les pistes de skis de fond. On y croise une ribambelle de joggers, de marcheurs, de cyclistes et d’écureuils gris. Écureuils trop nombreux, car trop abondamment nourris par les promeneurs. D’autres secteurs sont savamment jardinés et donnent au Mont Royal des allures de parc urbain.
Depuis le belvédère Kondiaronk la vue est époustouflante et on comprend un peu mieux l’urbanisation de la ville !
Face à nous la ville américaine avec ses grattes ciels. Sur la gauche le quartier Le Plateau du Mont Royal où vivaient les personnages de Michel Tremblay. Un peu plus loin dans la même direction, une espèce d’immense soucoupe volante chapeautée d’une tour inclinée : on reconnaît les équipements du stade olympique de 1976. Au loin le Saint-Laurent, le Pont Jacques-Cartier. En toile de fonds les monts Montérégiens. Au sud on sent l’appel du large, les grands espaces, une perspective sur les paysages des États-Unis et les premiers reliefs des Appalaches. Bleutés en ce jour ensoleillé. Re-zoomons sur la ville. Très ouverte, tachetée d’un camaïeu de verts issus de ses innombrables parcs et jardins. Au milieu du Saint-Laurent, l’île qui a accueilli l’Exposition universelle de 1967. Avec la longue vue on aperçoit l’innovante opération Habitat 67. Des immeubles composés d’une superposition et imbrication de blocs en béton, chaque bloc correspondant à une unité d’habitation. Une manière de cumuler les avantages de la maison individuelle et de l’immeuble d’appartements.
Fidèles à notre quête nous remarquons avec émotion une plaque qui commémore le 21 juin 1997, le jour où le belvédère a pris le nom de Kondiaronk en l’honneur du chef de la Nation huronne-wendat, l’un des principaux artisans de la Grande Paix de Montréal de 1701. La cérémonie d’inauguration a eu lieu en présence de Pierre Bourque, maire de Montréal, et de Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador.