Le lendemain nous marchons dans le parc Lafontaine, un grand parc arboré.
Notamment pour éliminer les calories absorbées lors du repas de poutine, un plat québécois composé de frites molles, de viande et de quelques légumes mélangés à du fromage en grains et nappées d’une étrange sauce brune, pris au restaurant la Banquise, le spécialiste de ce plat pas très raffiné. Mais ainsi en est-il des voyages, on goûte le plat national ! Un plat qui t’colle au corps disent les Québécois.
On ressent l’arrivée de l’automne. Les journées sont plus fraîches, les premières feuilles jaunes, orangées et rouges apparaissent sur les érables et sur les photos du voyage. Un tapis multicolore de feuilles tapisse les pelouses. Malgré la fraîcheur, lors de la pause déjeuner les montréalais allongés sur les pelouses profitent de leurs dernières journées estivales. Avant l’arrivée de la neige et du froid. Dans les magasins les vestes chaudes permettant de résister à des températures de moins 10°, 20°, 30°, ou moins 40° remplissent les rayons. En écrivant le récit de cette balade dans le parc, je me souviens du sentiment de nostalgie ressenti ce jour-là : le voyage se terminait, dans deux jours nous reprenions l’avion pour la France.
En visionnant les photos de Montréal, je revoie avec plaisir les maisons en briques serrées les unes contre les autres. Un enchevêtrement de duplex et triplex qui fait le charme de cet urbanisme. Même ravissement qu’à Québec en constatant l’anarchie qui a présidé au choix des couleurs. Des menuiseries et escaliers vert pomme sur un bâtiment en briques rouges. Un peu plus loin un escalier extérieur jaune vif, des marches rouges et une balustrade vert olive. Et mes préférées, une rangée de duplex aux façades identiques. Rien ne les différencie sauf les couleurs. Murs en briques peint en jaune orangé, menuiserie bleu canard pour le premier. Puis vient la série : murs gris – menuiseries rouge carmin, murs verts – menuiseries vert-gris, murs rose – menuiserie bleu Klein, murs gris anthracite – menuiserie rose fuchsia, murs rouge carmin – menuiserie et toit bleu cyan, murs gris – menuiserie jaune citron… Un choix radical défiant toutes les lois de l’harmonie, et qui pourtant donne à cette rue un côté pittoresque indéniable.
Que dire du Main le mythique Boulevard Saint-Laurent, une artère de près de dix kilomètres de long, arpenté à diverses reprises pendant le séjour Montréalais ? Qui dit-on, même si c’est moins vrai aujourd’hui, sépare le Montréal anglophone à l’ouest et francophone à l’est. Axe central de la ville, c’est cette artère que suivaient au XIXe les émigrants débarqués sur le port : les français, les irlandais, les écossais, les anglais, les juifs polonais, les ukrainiens, les portugais, les russes, les espagnols, les grecs, les italiens, les asiatiques. Trois millions lors de la vague de 1896 à 1914. Souvent ils fuyaient la famine. Le Québec était prospère à cette époque avec le développement des industries minières et forestières. D’où le grand multiculturalisme de la ville et sa richesse faite de toutes ces mixités. Le grand brassage anglophone et francophone pas ressenti ailleurs. On dit que les haïtiens de la première génération qui sont arrivés pour quitter l’Haïti de Duvalier ont retrouvé avec Montréal une autre île.
Pas restées assez longtemps pour ressentir toute la richesse et l’identité des différents quartiers, dans lesquels se sont réparties les populations à leur arrivée.
L’influence asiatique de Montréal, on la testera à travers sa cuisine. Dans le quartier chinois qui date de l’arrivée au XIXe siècle des chinois au Canada pour la construction des chemins de fer. Quel plaisir certains soirs de déguster des soupes vietnamiennes végétariennes, dans un restaurant qui ne paie pas de mine. On sait que ce sont souvent les meilleurs endroits. Je me souviens de ces grands bols parfumés par le mélange de piment rouge, coriandre, oignons nouveaux, gingembre, citron vert, pousses de haricots mungo, chou, nouilles de riz le tout arrosé de sauce Nuoc-mâm. Et accompagné d’une théière de thé vert au jasmin.